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PINETOP PERKINS BLUES FOUNDATION WORKSHOP à CLARKSDALE (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 16 juin 2024
 

PINETOP PERKINS BLUES FOUNDATION WORKSHOP
SHACK UP INN – CLARKSDALE (MISSISSIPPI)
Du 7 au 16 juin 2024

https://pinetopperkinsfoundation.org/workshop  
https://europeanbluesunion.com 

C’est un de nos moments préférés de l’année qui va nous permettre de passer un peu de temps avec de jeunes musiciens venus parfaire leur formation lors d’un stage de professionnalisation en compagnie de quelques grands noms du blues, et outre une majorité d’Américains, nous avons chaque année avec nous deux jeunes venus d’Europe grâce à un partenariat entre l’European Blues Union et Pinetop Perkins Foundation. Pour cette édition 2024, nous aurons une fois encore un jeune Français, Orphée Plaisance, mais aussi un jeune guitariste Croate, Odin Socak, que nous retrouverons dès lundi soir à Jackson, Mississippi.

Mais en attendant, c’est à Detroit que nous retrouverons Orphée pour notre dernier vol à destination de Memphis où nous arriverons en pleine nuit … La journée a été longue et il ne faut pas nous prier pour que nous allions nous coucher !

Samedi 8 juin :

Le décalage aidant, nous sommes debout dès l’aube et nous profitons des premières heures du jour pour aller faire un rapide tour de ville, histoire d’aider le newcomer à prendre ses marques … Sun Studio, Motel Lorraine, Clayborn Temple, I Am A Man Plazza, Beale Street, les bords du Mississippi et le pont vers l’Arkansas, c’est avec un regard émerveillé que celui qui arrive pour la première fois en Amérique découvre tous ces lieux dont il a entendu parler depuis des années par ceux qui y sont allé avant lui … Devant la Blues Foundation, un SDF tient compagnie à la statue de Little Milton, signe que la misère est encore le lot commun de toute une partie de la population américaine

Comment faire plaisir à une guitariste si ce n’est en l’emmenant dans un magasin de musique où il aura tout le loisir d’essayer des guitares de légende en attendant notre premier rendez-vous de la journée avec Jay Sieleman, l’ancien CEO de la Blues Foundation, avec qui nous irons déjeuner dans un endroit incontournable de la ville, Central BBQ. Premiers ribs du voyage pour un jeune qui se régale et qui force un peu sur les sauces piquantes au risque de le payer un peu plus tard. Suit un premier tour sur Beale Street avec des groupes plus ou moins intéressants dans les clubs …

Nous atterrissons au Blues City Café, comme toujours, et ce soir un groupe pour le moins dispensable s’y produit … Cinq musiciens assis face à un maigre public, un batteur pas du tout en place derrière eux, les gars jouent de la musique d’ascenseur mais on a du mal à dépasser le deuxième étage, et un peu à la manière des lanceurs SpaceX, on se demande à quel moment tout ça va réussir à exploser en l’air … De guerre lasse, nous rejoignons le côté restaurant pour gouter le gumbo et une fois encore les épices sont au rendez-vous. Il y en a qui aiment vivre dangereusement, mais par chances les toilettes publiques sont nombreuses aux USA …

Le temps du dîner, les marchands du temple ont repris possession de Beale Street … Contrôle d’identité, détecteurs de métaux et taxe de 5$ à payer pour pénétrer sur le Rue du Blues à Memphis … A trop vouloir en faire, ils finiront par tuer la poule aux œufs d’or. Pour la peine, nous regagnons l’hôtel pour reprendre des forces !

Dimanche 9 juin :

Memphis vaut bien une messe … c’est en expliquant ça à Orphée que nous l’emmènerons du côté de la Peace Baptist Church où, outre les chants gospel et le sermon qu’il y entendra, il se retrouvera invité par un house band de killers pour nous offrir un énorme « Oh Happy Day » qui résonne encore dans le tout Memphis. Invités à rejoindre l’assemblée après la messe, nous échangerons un long moment avec le ministère mais aussi les fidèles avant de prendre congé de nos hôtes et de filer du côté de Soulsville où nous renonceront à nous rendre au Four Way Restaurant tant la foule qui se presse devant l’entrée est compacte. C’est dommage car la Soul Food y est véritablement merveilleuse !

Le tour dans Soulsville nous emmènera finalement à la découverte de différents endroits comme par exemple Elmwood Cemetery, l’immense cimetière où des esclaves reposent aux côté de millionnaires et où la promenade est toujours très impressionnante pour qui n’a jamais connu auparavant la culture du Drive In. Nous poursuivrons ensuite du côté de chez Stax, de la maison natale d’Aretha Franklin, du Memphis Slim Collaboratory, de Royal Studio et plus généralement des différentes rues et avenues de ce quartier populaire où toute une culture est née … On lit dans les yeux du jeune bluesman l’émerveillement mais aussi un peu la surprise de voir que d’une rue à l’autre de cette ville aux multiples visages, on passe de la plus grande pauvreté à une forme d’aisance un brin déroutante !

La journée à passé très vite et nous partons cette fois la finir en musique vers Beale Street où nous allons nous poser du côté du Rum Boogie Café qui accueille ce soir un quintet, Baunie And Soul. Dehors, il y a une grosse averse qui nous apportera un peu de monde, et quand bien même l’entrée dans la rue n’est pas payante en ce dimanche, ce n’est pas la foule des grands soirs. Le groupe, habitué des scènes locales, assure avec élégance et nous sert à la régalade un lot de standards de la soul, du blues, du rock et même parfois de la pop, avec des musiciens qui ne sont certes pas des grands pros du blues mais qui jouent toutes les musiques à la perfection, sans doute grâce à une formation qui leur vient reçue dans les églises … Orphée sympathise avec le guitariste, un Lefty qui lui cèdera sa place pour lui permettre de s’essayer à un slow blues qui lui offrira l’opportunité de fouler cette scène mythique sur laquelle les plus grands artistes se sont produits ! Un super souvenir qu’il n’est pas prêt d’oublier …

La soirée a passé à une vitesse folle et nous rejoignons notre hôtel pour une courte nuit … Cette seconde soirée sur Beale Street aura été mémorable pour un jeune homme qui est là pour découvrir et qui est bien décidé à ne pas en perdre une miette … Demain, nous prendrons la direction de Jackson Ms et ça nous promet encore de belles choses !

Lundi 10 juin :

Comment s’occuper quand on a une longue journée de route qui nous attend ? Quelques belles nouveautés discographiques dans le téléphone et un itinéraire bien pensé vont nous permettre non seulement de faire des haltes régulières mais aussi de découvrir de nouveaux endroits, avec pour commencer le fameux ranch du regretté Jerry Lee Lewis à Nesbit, qui a un peu perdu de sa splendeur depuis le décès du Killer en octobre 2002 et qui est encore à l’heure actuelle en vente. Un peu plus tard, c’est du côté de Holly Springs que nous allons jeter un œil sur ce qui fut un temps le deuxième juke joint de Junior Kimbrough puis nous filons vers Oxford où nous marquons un arrêt au centre de la ville près du Town Hall et de la superbe librairie Square Books, à Rowan Oak, la maison de William Faulkner, et enfin à Ole Miss, l’Université du Mississippi et sa gigantesque collection relative au blues … On peut dire que la matinée commence bien !

Direction Greenwood maintenant, avec un tour rapide dans la ville pour y revoir par exemple cette originale enseigne de dentiste toujours aussi drôle puis la tombe de Robert Johnson, un endroit émouvant qui interpelle forcément un peu le jeune guitariste qu’est Orphée … Le temps de se recueillir et on prend maintenant la direction de Jackson, non sans s’accorder un bref moment pour s’arrêter près du monument érigé par Columbia sur l’endroit qui était supposé jadis être la plus probable des trois tombes du King of the Delta Blues …

Nouvel arrêt technique, à Belzoni cette fois, pour y refaire le plein mais aussi pour aller à la rencontre du lieu où Pinetop Perkins a vu le jour, histoire de se mettre un peu dans l’ambiance du Workshop à venir. Et comme il n’est pas concevable de ne pas aller saluer les personnes qui nous sont chères, nous passerons ensuite brièvement au Blue Front Café qui est en pleine effervescence en attendant la tenue de son festival annuel en fin de semaine. Fidèle à lui-même, l’ombrageux Jimmy Duck Holmes se montre toutefois plutôt chaleureux et entame de son propre chef la conversation pour s’enquérir de notre programme à Clarksdale et de la liste des instructeurs du Workshop.

A notre arrivée à Jackson, nous retrouvons enfin Odin, le jeune guitariste Croate avec qui nous allons passer la fin de semaine, et Bero, son père … Le courant passe instantanément et nous nous dirigeons très vite vers le Hal & Mal’s pour le traditionnel Blue Monday qui a un peu changé de format avec désormais des animations et de la danse entre les différents sets. Le lieu, qui sera bientôt honoré par l’installation d’un Marker de la Mississippi Blues Trail, n’en reste pas moins agréable et c’est durant le second set de la soirée que nos deux guitaristes européens seront conviés pour se produire avec le house band. Les deux prestations seront particulièrement saluées et nous serons littéralement assaillis par l’assistance qui cherchera à en savoir plus sur leur parcours et sur la raison de leur présence dans la région. Encore une belle expérience pour Orphée et une première ce soir pour Odin qui s’en sortira avec plus que les honneurs !

Tant de bonnes choses ne sont pas sans laisser de trace sur l’organisme et c’est très sagement que nous rentrerons bientôt à l’hôtel pour recharger les batteries en prévision d’une suite qui est une fois encore très prometteuse !

Mardi 11 juin :

Nous choisissons de faire un rapide tour de Jackson avant de prendre la direction de Clarksdale et la première des choses à voir en ville, ce sont ces toutes nouvelles plaques de rue au nom de notre ami et parrain du Musée Européen du Blues à Châtres-sur-Cher puisque le Bobby Rush Boulevard, officiellement baptisé ainsi en janvier 2022, a récemment reçu ses beaux habits au nom du légendaire bluesman. Nous poursuivons la route en faisant un rapide arrêt devant le Queen Of Hearts, une des étapes du Chitlin’ Circuit dans laquelle nombre de grands artistes se sont produit, ce qui surprend toujours un peu le chaland compte tenu de l’état de délabrement de l‘endroit et de sa petite taille. Un dernier passage par Farish Street, la rue historique du blues de Jackson qui peine à voir quelques nouveaux commerces revenir et qui, à terme, devrait devenir ce que l’on appelle une rue branchée, et nous prendrons directement la Route 49 qui doit nous emmener vers le workshop tant attendu par les jeunes gens !

Impossible de passer par Indianola sans faire un arrêt prolongé par le B.B. King Museum & Delta Interpretive Center qui propose au visiteur une collection incroyable d’objets et de documents, physiques ou numériques, relatifs au Roi du Blues mais aussi à l’histoire du Delta et des musiques noires américaines … En fin de visite, on passe forcément à côté de l’avant-dernier tour bus de l’artiste, celui qui a effectué plus de douze millions de kilomètres, mais aussi de la Rolls Royce marron et de la Cadillac qui servaient aux déplacements privés de B.B. King. Il ne reste enfin plus qu’à se recueillir un instant au mémorial où repose pour l’éternité ce guitariste et chanteur de légende avant de filer faire un tour en ville du côté du Club Ebony, qui s’est offert récemment une deuxième jeunesse grâce à l’équipe de choc du musée, puis du B.B. King’s Park où une statue rappelle aux visiteurs à quel point Indianola est reconnaissante et fière de la carrière exceptionnelle de son héros.

Avant de rejoindre le Shack Up Inn qui sera notre camp de base pour les jours à venir, nous faisons un passage par le Po Monkey’s à Merigold pour constater que ce mythique juke joint se désagrège lentement mais surement, puis nous nous offrons un tour express de Clarksdale pour présenter très brièvement la ville à ceux qui ne sont encore jamais venu dans ce temple du blues à ciel ouvert et pour leur montrer à quel point les clubs sont omniprésents sur place. Puis il est bientôt temps de prendre nos quartiers et d’être amusé devant tous ces yeux admiratifs qui scrutent le moindre recoin de cet endroit aussi atypique qu’attachant. Les instructeurs et les élèves commencent à arriver et on salue à la volée tous les amis, déjà célèbres ou en train d’essayer de le devenir, avant de se retrouver pour le premier BBQ du séjour, pour de chaleureuses retrouvailles mais aussi pour les présentations officielles et enfin pour la première jam session du workshop …

A la Pinetop Perkins Foundation, tout se passe avec beaucoup de convivialité et d’humilité et chacun s’assoit à la même table pour dîner et pour regarder les pros démarrer la soirée avec rien de moins que Tony Braunagel à la batterie, Bob Stroger et Heather Crosse à la basse, Bob Margolin, Johnny Burgin et Doug McLeod à la guitare, Wyly Bigger et Victor Wainwright au piano et enfin Billy Branch à l’harmonica, chacun cédant le micro à l’autre à tour de rôle pour une prestation mémorable dont on retiendra tout particulièrement l’énorme « That’s My Name » de Bob Stroger durant lequel le toujours fringant jeune homme de 93 ans, véritable joyau du blues, mettra littéralement le feu à l’assistance et descendra même de scène pour s’approcher de son public et lui offrir cette chanson autobiographique qui le décrit à la perfection.

La scène sera ensuite cédée aux stagiaires et Orphée aura l’honneur d’être dans le premier service avec à ses côtés le directeur musical du workshop et quelques jeunes pour un lancement inaugural sur une version plutôt intéressante de « Caldonia » durant laquelle le Steady Rollin’ Bob Margolin veillera à ce que chaque solo soit distribué de manière équitable, ce qui n’est pas toujours forcément le cas ensuite quand les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Par séquences de trois titres, les groupes se succèderont et c’est avec un certain plaisir que nous remarquerons la prestation de l’harmoniciste Harrell Davenport, qui tournera en Europe en novembre prochain sous le pseudonyme de Young Rell. Accompagné par une rythmique un peu brouillonne et par des guitaristes qui n’ont pas encore totalement le niveau, Harrell s’efforcera pourtant de donner ce soir ce qu’il a de mieux, heureusement bien soutenu par El, une jeune pianiste d’origine québécoise qui vit désormais en Ontario et qui se révèle être aussi brillante que sympathique …

Les jeunes et les moins jeunes prendront ensuite à tour de rôle la scène et si certains essaient un peu de voler la vedette aux autres, c’est dans une ambiance bon enfant que cette première soirée ira à son terme, malheureusement sans Odin qui, sous l’effet du jetlag, préfèrera aller se coucher … On se rattrapera avec lui dès demain !

Mercredi 12 juin :

La nuit a été réparatrice et ce matin, sur les coups de 10 heures, les trente-sept musiciens participant au workshop se répartissent entre les divers lieux où se dérouleront leurs séances respectives. L’ambiance est studieuse mais détendue et on regrettera juste que certains ne prêtent aucune attention aux autres et jouent chacun de leur côté, engendrant de temps à autre une certaine cacophonie, fort heureusement régulée par des instructeurs aussi dévoués que compétents. Odin et Orphée profitent des premières leçons prodiguées par le génial Johnny Burgin qui est épaulé pour l’occasion par Six String Andrew, un jeune et brillant guitariste que nous retrouvons chaque année ici même depuis quelques temps. Travaillant pour le moment un morceau de Son Seals, « Telephone Angel », les guitaristes tenteront d’acquérir toutes les subtilités de jeu que leur professeur qui a grandi dans le Mississippi avant de partir étudier à Chicago pourra leur transmettre.

A l’heure de la pause, tout le monde se prête de bon gré à l’exercice des photos de groupe et après un lunch aux couleurs mexicaines, il est temps de retourner en classe pour deux heures de musique avant le field trip qui, cette année encore, emmènera toute le monde vers le superbe Delta Blues Museum en plein cœur de la ville, l’occasion pour tous les participants d’en découvrir un peu plus sur le blues et sur la région grâce à la générosité de Visit Clarksdale, l’office du tourisme local. Un passage par le fameux bookstore Cat Head de notre ami Roger Stolle pour y faire quelques emplettes, un rapide saut au Walmart où nous rencontrons Deak Harp par hasard et il sera bientôt temps de penser au diner avant de participer à la seconde jam session de cette édition 2024 du Pinetop Perkins Foundation Workshop … Le temps file à une vitesse folle et chacun d’entre nous en profite à sa manière, tout en gardant à l’esprit qu’on ne sait jamais ce qui va se passer à Clarksdale, mais qu’il s’y passe toujours quelque chose !

On se retrouve tous à la jam du soir au Hopson Commissary et ça commence gentiment avec une première formation dans laquelle on remarque Young Rell à la guitare et CJ au piano puis une autre avec Grayson, le petit-fils de Mississippi Marshall à la guitare, et Mighty Michael à l’harmonica et on en arrive bon an mal an jusqu’à nos deux jeunes Européens qui vont interpréter leurs trois titres en bonne compagnie puisqu’ils sont accompagnés par Bob Stroger à la basse, qui prendra d’ailleurs le chant sur l’ultime morceau après qu’Odin ait chanté le premier, une de ses compositions. Orphée s’en sort carrément bien et est salué par les professeurs dans leur ensemble, Bob Margolin assis à côté de nous ne tarissant pas d’éloges à son sujet et Terrence ‘Sweet Tea’ Grayson insistant même pour qu’il soit à ses côtés lors d’une jam à venir. De son côté Johnny Burgin est fier du travail de son élève et l’harmoniciste Charlie Barath qui les a rejoints dans l’après-midi pendant l’atelier lui fait même remarquer que son jeu ce soir lui rappelle celui de Freddie King. Rien que du bonheur donc en attendant que Bob Margolin ne s’installe au milieu de ses ouailles mais aussi de Lisa Biales et Charlie Barath pour quelques titres dont il a le secret !

Difficile de résister à l’invitation qui nous a été faite de rejoindre Heather Crosse et Lee Williams après la jam au Ground Zero où ils sont en concert avec leur groupe Heavy Suga et si ce n’est pas la foule des grands soirs dans la salle créée par Morgan Freeman et le regretté Bill Luckett, on y retrouve toutefois quelques élèves et professeurs venus saluer la prestation de ces deux artistes locaux d’un niveau international. En véritable entertainer, Heather emmène son groupe à la perfection et cède de temps à autres le micro à Lee qui réalise le double exploit de jouer de la batterie comme un tueur et de chanter plutôt bien. La soirée déjà bien entamée file bon train mais Heavy Suga profitera de sa dernière heure de set pour inviter les amis sur scène et après avoir eu une jeune chanteuse et Charlie Barath en guest, c’est en compagnie d’Orphée et d’une jeune guitariste qu’elle emmènera tout le monde vers la sortie du club avec quelques belles tranches de blues à la carte. Les yeux d’Orphée pétillent un peu et on sent qu’il ne perd pas une miette de ce qui lui arrive depuis quelques jours …

Un dernier débrief dans le Legends Shack autour de quelques ribs marinés dans le Tennessee Honey et une Hazy Little Thing IPA et il sera temps de reprendre quelques forces pour attaquer la prochaine journée de stage …

Jeudi 13 juin :

C’est une journée de stage tout entière qui attend nos deux jeunes guitaristes et pour ne pas les déranger dans leur progression, nous décidons de les laisser tranquillement se consacrer aux divers enseignements qui leur sont prodigués par leurs instructeurs et de nous éclipser pour vaquer à diverses occupations, toujours en rapport avec la musique puisque nous échangeons avec les différentes familles présentes au Shack Up Inn. Après le lunch et les différents types de pizza qui sont proposés ce midi, chaque classe va se consacrer à un travail en commun avec par exemples les pianistes et les guitaristes réunis dans le Commissarry, les batteurs et les bassistes dans la Juke Joint Chapel et les guitaristes acoustiques et les harmonicistes dans la Rich House … Chez les guitaristes, c’est toujours un peu la cacophonie mais Johnny Burgin reprend facilement la main, superbement secondé par un Victor Wainwright très motivé par ce nouvel exercice !

Chaque année nous apporte de nouvelles expériences et après ce Mix It Up, c’est cette fois toute la promotion 2024 qui se rassemble pour une heure de travail en chorale avec Lisa Biales qui nous entraine vers de superbes variations autour de « Motherless Child ». On repart ensuite pour une heure de conseils pour tout ce qui a trait à la présence scénique présentée par Bob Margolin et Lectric Liz Lottman et leurs deux invités, Matt et Nikki Hill, bien connus pour délivrer des shows endiablés. Ce sont donc deux heures de travail de plus qui seront particulièrement appréciées par une assistance qui est demanderesse de ce genre de propositions visant à développer les capacités professionnelles de chacun. Et en attendant le délicieux Jambalaya proposé gracieusement ce soir par Mike Black du Board of Directors de Pinetop Perkins Foundation, les plus assidus se retrouveront sous le front porch pour y jouer quelques titres de plus entre amis.

Avant que la jam démarre, nous aurons droit à quelques prestations des professeurs avec pour commencer l’excellentissime Doug McLeod en solo, bientôt rejoint par Tony Braunagel puis par Bob Margolin et Victor Wainwright pour une série de morceaux qui nous emmèneront jusque très haut sur l’échelle de qualité d’un blues qui n’a jamais été aussi séduisant. Si le surnom de Fab Four n’avait pas déjà été donnée par le passé, il aurait pu s’appliquer plus que légitimement à ces quatre fabuleux musiciens qui nous ont fait un énorme cadeau en jouant pour nous. Doug McLeod s’éclipsera après quelques et cèdera sa place à Matt Hill à la guitare et Nikki Hill à la basse pour une suite beaucoup plus rock et beaucoup plus bruyante et il sera temps ensuite de récompenser les anciens élèves et d’en inviter de nouveaux à revenir avant que la jam des jeunes puisse enfin commencer.

Confortablement installé dans le premier groupe, Odin pourra s’appuyer ce soir sur l’expérience de musiciens expérimentés et rompus à l’exercice de la jam comme Grayson à la guitare, El au piano ou encore Hayden et Mighty Michael aux harmonicas et c’est en trouvant petit à petit sa place qu’il confirmera que cet atelier aura été bénéfique pour lui. Quand à Orphée, c’est dans le second groupe qu’il évoluera en toute aisance aux côtés, entre autres, de Mighty Michael, et après deux blues plutôt bien envoyés, c’est sur un « Johnny B. Goode » tombé d’on ne sait où que sa prestation du soir s’achèvera. D’autres groupes passeront ensuite, avec de temps à autres des instructeurs ou des guests dans la formation et c’est finalement une très bonne soirée qui nous aura une fois encore été proposée aujourd’hui pour l’ultime jam à Hopson Commissary !

Demain, ce sera déjà la fin du stage avec la création des groupes le matin, les répétitions l’après-midi et enfin le grand show au Ground Zero Blues Club le soir, et si l’excitation est déjà palpable, tout ce petit monde finira par sagement aller au lit pour prendre des forces avant le grand jour !

Vendredi 14 juin :

Pour leur ultime journée de stage, les étudiants recevront les derniers conseils de la part de leurs instructeurs le matin avant de se retrouver en groupes en tout début d’après-midi pour les répétitions en vue du grand concert du soir … Deux heures pour répéter trois morceaux, c’est court, mais il leur est demandé de travailler en priorité les intros et les outros et de prévoir l’ordre des solos individuels, chose peu aisée puisque la plupart des formations, outre la section rythmique, sont composées de trois guitaristes, d’un pianiste et d’un harmoniciste … De quoi créer une jolie pagaille si tout n’est pas préparé à l’avance ! Une fois que tout est en place, il ne nous reste plus qu’à nous rendre au Ground Zero Blues Club, non sans faire une halte du côté de chez Cat Head où nous retrouvons Roger Stolle, le propriétaire du Book Store le plus blues de toute l’Amérique du Nord, mais aussi Bubba O’Keefe, le responsable de Visit Clarksdale, l’Office du Tourisme local, avec qui nous échangeons un moment.

Direction maintenant le club de Morgan Freeman pour le gros événement de fin de stage qui commencera ce soir avec une prestation proposée par les instructeurs. Est-il nécessaire de préciser à quel point le fait d’avoir sur scène Bob Margolin, Johnny Burgin, Bob Stroger, Victor Wainwright et Tony Braunagel est un véritable bonheur ? Et que dire de cette prestation une fois encore époustouflante de Bob Stroger qui, après avoir cédé sa basse à Heather Crosse, viendra nous chanter son hymne, celui qui pourrait être l’hymne de toute une génération blues qui reprend à l’unisson « That’s My Name » ! Immense et incroyable bluesman qui après avoir longtemps joué dans l’ombre des plus grands aura finalement créé son propre groupe, qu’il dirige aujourd’hui avec élégance et énergie du haut de ses 93 printemps …

On passera ensuite aux prestations des différents groupes des élèves qui, avec diverses fortunes, nous emmèneront dans leurs univers respectifs avec des formations spécialement créés pour l’occasion, mais aussi avec des restitutions proposées par les classes de chant, de basse ou encore d’harmonica, de quoi rendre fier chacun des participants mais aussi chacun des instructeurs. Nos Européens s’en sortiront plutôt bien avec Odin qui interprètera une de ses compositions, puis avec Orphée qui brillera sur quelques covers comme le « Voodoo Woman » de Koko Taylor ou encore « The Blues Is Allright » de Little Milton.

Quelques prestations individuelles s’intercalent, comme celles de Harrell Davenport qui nous régalera d’un titre en solo guitare, harmo et chant, et quand tout le monde sera passé, ce sont les internes parmi lesquels Grace Kuch et Six Strings Andrew Sullivan à la guitare, Jaymes Brass à la basse, Ian Harper à la batterie mais aussi leur invité Charlie Barath à l’harmonica qui se chargeront de refermer la soirée devant une assistance ravie de ce grand moment passé un peu comme en famille.

C’est l’heure un peu difficile des aurevoirs, à Bob Stroger et à Bob Margolin que nous retrouverons en septembre à Phoenix avec Bob Corritore, à Jimmy Burgin aussi, qui nous a offert quelques jours de folie, et puis à toute l’équipe de Pinetop Perkins Foundation qui a encore développé des trésors d’ingéniosité pour que cette belle communauté musicale existe et vive … Les yeux brillent peu bien entendu, mais les cœurs sont remplis de bonheur et c’est tout ce qui compte au moment d’aller rejoindre nos shacks pour la dernière nuit à Clarksdale.

Samedi 15 juin :

A l’heure du check out au Shack Up Inn, on retrouve déjà quelques connaissances elles aussi sur le départ et on salue une nouvelle fois Bob Margolin, Liz et David Berntson et quelques autres avant de filer faire un rapide tour dans le delta avec pour commencer une première halte à Claremont, l’endroit supposé du véritable Crossroads où Robert Johnson aurait vendu son âme au diable … Direction ensuite la gare de Tutwiller et ses légendaires fresques murales qui nous racontent comment W.C. Handy a découvert le jeu en slide grâce à un vieux bluesman qui jouait de la guitare avec un couteau, ce qui lui donna l’idée de demander à son groupe de se servir de cette technique. Les mêmes fresques nous indiquent insidieusement la direction de la tombe de Sonny Boy Williamson II où nous marquerons forcément un arrêt avant de reprendre la Route 49 en direction de. Greenwood.

Chemin faisant, nous faisons une nouvelle halte à Money devant la Bryant Grocery, théâtre tragique qui a conduit à la mort atroce du jeune Emmett Till dans les conditions que le monde entier connait, puis nous passons une nouvelle fois par la tombe de Robert Johnson puisque Odin, absent lors de notre passage à l’aller, n’a pas encore eu l’occasion de se recueillir sur la sépulture du fameux guitariste décédé à l’âge de 27 ans. L’heure avance et nous sommes pile dans le timing pour aller nous restaurer au fameux Crystal Grill, un de nos restaurants préférés du Sud qui sert une soul food de superbe qualité dans une atmosphère des plus chaleureuses. Les estomacs se remplissent de catfish, de crevettes et de yams et après un bol de riz au lait à la cannelle, il ne nous reste plus qu’à reprendre la route …

La première pause de l’après-midi sera à Ruleville pour y voir les souvenirs de l’ancienne Greasy Street qui accueillait jadis nombre de clubs de blues et de restaurants à la cuisine bien grasse, d’où le nom de l’endroit, puis nous poursuivons vers Dockery Farms, le lieu où le blues aurait potentiellement vu le jour … Difficile de se faire vraiment une opinion et nous échangeons sur le sujet dans la voiture avant de marquer quelques haltes de plus, notamment au Crossroads signalé par deux immenses guitares à Clarksdale mais aussi sur la tombe de Pinetop Perkins au bord de la Highway 61. Comment résister ensuite à l’appel d’une pause fraicheur pour se désaltérer au Hollywood Café, fameux juke joint que Marc Cohn évoque dans sa très célèbre chanson « Walking In Memphis », puis d’un rapide salut au personnel de la Gateway To The Blues qui nous accueille à bras ouverts à chacune de nos visites ? Il ne nous restera plus enfin qu’à rejoindre Memphis pour nous y installer avant une ultime soirée en ville !

Beale Street fourmille de touristes en ce début de soirée mais les clubs sont relativement vides et on retrouve par hasard El, la jeune pianiste canadienne, et son père Yannick avec qui nous passons un moment du côté de la Tap Room avant d’aller diner une dernière fois au Blues City Café où nous écouterons un moment Blind Mississippi Morris jouer son vieux blues du delta … Un bref échange avec ce dernier qui aurait bien voulu accueillir Orphée sur un titre mais malheureusement, c’est la pause et in ne nous reste plus que quelques minutes de stationnement et il faudra décliner l’invitation. La journée a été longue et demain, c’est déjà l’heure du retour vers la France et vers d’autres aventures musicales …

Dimanche 16 juin :

Que retenir de cette expérience si ce n’est le plaisir d’avoir pu partager d’excellents moments avec de jeunes musiciens qui n’ont qu’une seule volonté, celle d’évoluer, de progresser et de se créer une carrière chacun à sa manière. Certains n’ambitionnent rien d’autre que le fait d’être sidemen, comme d’autres tels que Bob Margolin et Bob Stroger l’ont très longtemps été, d’autres rêvent de devenir des stars et tentent de s’en donner les moyens, et enfin certains d’entre eux comme Young Rell ont déjà un pied dans le music business et une belle carrière devant eux. Mais si une chose est certaine, c’est que tous appartiennent à la grande famille de Pinetop Perkins Foundation et que cela leur restera toute leur vie.

Pour l’heure, il ne nous reste plus qu’à nous en remettre à de grands oiseaux blancs qui nous emmèneront bientôt vers Atlanta, Paris, et enfin Toulouse pour Orphée … Une fois la tête dans les nuages, il ne nous restera plus que de superbes souvenirs et plein de belles personnes à nous remémorer … Une chose est certaine, le blues est bel et bien vivant et la relève est prête à entretenir sa flame pour longtemps !

Fred Delforge – juin 2024