dimanche, 06 avril 2025 EUROPEAN BLUES CHALLENGE – 13ème EDITION PALAIS NATIONAL CROATE – SPLIT (CROATIE) Du 3 au 5 avril 2025
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L’arrivée à Split par les airs est toujours un grand moment, quand bien même elle a lieu sur les coups de minuit et qu’il faut directement rejoindre l’hôtel, mais pour se remettre de nos émotions, c’est une journée tout entière qui nous attend le lendemain matin dans la vieille ville pour y retrouver les dédales de ruelles et les premiers signes avant-coureurs d’un 13ème European Blues Challenge qui s’annonce carrément bien. Et si les Portugais ont mis la barre très haute l’an dernier avec une crû 2024 de très grande qualité, il y a fort à parier que nos amis Croates s’efforceront de relever le défi et d’essayer de faire, si possible, aussi bien et pourquoi pas encore mieux !

Du front de mer au Palais de Dioclétien en passant par le marché aux poissons et par le dédale de ruelles de la vieille ville, on croise déjà quelques amis venus de France, d’Espagne, de Suède, de Finlande ou encore de Suisse, et on entend ça et là quelques notes plus ou moins liées au blues … Un ultime moment de détente et ce sera bientôt parti pour une immersion totale dans ce que l’Europe a de mieux à nous offrir cette année en termes de notes bleues. Le compte à rebours est enclenché !
Jeudi 3 avril :
La matinée commence par une ultime réunion du Conseil d’administration de l’European Blues Union avant l’ouverture officielle et en tout début d’après-midi, après une brève cérémonie de mise en place des drapeaux au théâtre national, c’est un grand Blues Market qui attend les visiteurs. Chacun y présente ses activités, y met en valeur ses groupes nationaux et pourquoi pas ses produits régionaux … C’est aussi l’occasion de retrouver les amis des festivals auxquels nous rendons visite chaque année et d’en découvrir de nouveaux. Le monde du blues est une grande famille où il fait bon vivre et ce moment d’échange, qui sera répété demain après-midi, est un moyen de mieux se connaitre et s’apprécier. Il sera temps ensuite de filer dans le Théâtre National de Croatie pour le début de la première soirée du 13ème European Blues Challenge …

A tout seigneur tout honneur, on commence avec le pays hôte et ce sont les Croates d’Edi East Trance Blues qui ouvrent le bal avec un répertoire interprété majoritairement dans leur langue maternelle qui passe plutôt bien auprès du public. Six musiciens sur scène. C’est parfait pour donner le change, d’autant que le leader se défend bien à la cigar box et que l’harmonica n’est pas là que pour faire de la figuration. Entre blues roots et blues rock, le tout avec de belles tranches de slide, les Croates ouvriront la soirée à leur manière, en donnant le meilleur d’eux-mêmes, même si l’on sent bien que la pression sur leurs épaules est un peu lourde à porter.

Il a fallu jouer serré car le duo transalpin initialement prévu a été contraint de jeter l’éponge pour des raisons médicales de dernière minute, et Francesco Garolfi est donc remplacé par Alberto Visentin, un artiste solo qui nous séduit d’entrée de jeu avec son blues acoustique interprété tantôt au résonnateur, tantôt à la guitare. Les compositions tiennent la route et quand ça commence à devenir un peu plus rock, c’est tout le théâtre qui s’enflamme pour un artiste qui n’a pas eu le temps de préparer sa prestation du jour mais qui fait bien plus que d’assurer. Cet Italien-là a de la ressource et il se prive pas de le faire savoir ! Un grand coup de chapeau à lui pour avois si bien relevé le défi.

Place à l’Espagne avec le Tòfol Martínez Blues Band qui démarre très fort avec un chanteur et guitariste véloce et avec un harmonica omniprésent. Le groupe a de la bouteille et il ne se prive pas de le montrer en proposant un blues plutôt conventionnel mais joué avec beaucoup de vigueur et de feeling. Entre leurs propres compositions et une reprise du « Gangster Of Love » de Johnny Guitar Watson, ces espagnols ne manqueront pas de confirmer que les groupes de la péninsule ibérique sont redoutables en matière de blues et de groove. Si nous n’étions pas aussitôt dans la soirée, nous aurions presque pu miser une petite pièce sur une qualification à venir, d’autant que quelques spectateurs finiront par monter sur scène pour danser avec le band à la fin du set !

On file maintenant vers le Royaume Uni où nous attend le Alice Armstrong Band, une formation puissante portée par une chanteuse qui a du coffre et qui n’hésite pas à haranguer le public. A ses côtés, les solistes s’en donnent à cœur joie avec une guitare qui, à l’occasion, débite des riffs au stère, et un orgue Hammond qui saupoudre le tout de manière plutôt intelligente. La section rythmique n’est pas en reste en on navigue à vue dans un répertoire qui est parfois inspiré par Freddie King, un des modèles avoué de la chanteuse. Quelques vocalises pour nous montrer qu’elle sait aller du petit rossignol jusqu’à la lionne en colère et Alice Armstrong aura fait ce soir le grand tour de la question, et de belle manière en plus !

Un petit passage par le tunnel sous la Manche et nous arrivons en Belgique pour découvrir PD Martin, un quartet qui là encore va nous emmener faire un tour du côté du blues rock, avec une belle énergie intelligemment maitrisée. Quelques touches inspirées du jazz s’invitent parfois à la table des festivités et c’est une prestation de très belle facture que vont nous proposer nos voisins du plat pays, associant l’art à la manière avec une dose de charisme mais sans toutefois trop en faire. Un long final sur « Born Under A Bad Sign » pour rendre hommage à Albert King et c’en sera fini d’une vingtaine de minutes qui nous auront montré toute la diversité d’un groupe qui gagnerait à être découvert un peu plus longuement, la montée en régime étant quand même un peu lente à venir.

Direction la Pologne maintenant, avec Wild Flame, un quintet porté par une belle chanteuse black à la voix chaude et puissante. Le groupe est un peu dépassé par tant de talent au tout début du set mais il s’efforce de suivre le mouvement en faisant de son mieux et parvient très vite à donner le change, quand bien même il se montre parfois un peu trop véloce pour soutenir un chant qui serait encore mieux mis en valeur avec un jeu moins rock et plus soul. Il n’en reste pas moins que la prestation de Wild Flame tient bien la route et que le public semble vraiment apprécier. En sera-t-il de même pour un jury dans lequel on compte quelques musiciens chevronnés. On ne tardera pas à le savoir mais en attendant, la salle se fait l’écho du plaisir que l’on a eu à découvrir ces vaillants Polonais !

C’est jour de paie chez nos amis Danois et c’est Pay Day qui va défendre le Royaume de Danemark avec un répertoire plein de délicatesse et très légèrement teinté de sonorités venues de la country, avec une pointe de soleil de Californie en prime. On navigue à vue entre country blues, blues ballades et pop bluesy et si le volume est beaucoup plus bas que pour les candidats précédents, la prestation n’est pas en reste, d’autant que le quartet se donne sans compter et que son frontman n’est pas manchot quand il s’agit de faire pleurer sa guitare. La prestation qui monte crescendo au fil des morceaux et qui se termine par un gros boogie ne trompera personne et c’est une salle sous le charme qui acclamera le quartet à la fin de son set. Voilà un groupe qui aura réussi à bluffer son monde et on ne peut que l’en féliciter. Ces gars-là méritent vraiment de garder le Groenland dans leur giron national !

On quitte un instant la Scandinavie pour rejoindre l’Autriche et retrouver Peter Kern, un artiste solo aux faux airs de Stevie Ray Vaughan qui nous offre un delta blues sympathique avec ses accents piochés du côté de Son House, Robert Johnson et autres Elmore James. Le picking est élégant et superbement maitrisé et c’est un très bon moment de blues qui nous est offert par un artiste qui n’en fait ni trop, ni trop peu, trouvant à chaque instant le ton le plus juste, que ce soit dans la voix ou dans le jeu de guitare. Les compositions ressemblent à des standards et c’est un set carrément réussi que va nous proposer cet Autrichien plein de talent que l’on avait déjà pu croiser du côté de Memphis en 2001 lorsqu’il s’était hissé à la troisième place de l’International Blues Challenge dans la catégorie groupes. Encore un très bon moment de cette première soirée !

Retour vers le Grand Nord où nous attend le Norvégien Tommy Tito qui se produit en trio et nous offre un set bien construit, ne se contentant pas de la partie musicale mais s’efforçant en prime d’y ajouter un part de show avec quelques gimmicks qui ne passent pas inaperçu devant un public acquis à sa cause puisque la Norvège, tout comme la Suède et la Finlande, sont les pays les plus représentés au sein de l’European Blues Union. Capable de proposer des parties d’une infinie délicatesse puis de faire pleurer sa Les Paul avant de la faire hurler, Tommy Tito se révèlera comme un artiste plein de ressources et marquera à son tour une assistance qui le lui rendra bien en lui réservant une salve d’applaudissements à la toute fin d’un set qui déborde parfois un peu du blues mais qui s’efforce à chaque instant de garder un pied dans ses racines. Là encore, l’écoute demande à être approfondie !

Un Viking peut en cacher un autre et c’est le Finlandais Jantso Jokelin qui nous attend cette fois sur le quai, avec un premier morceau tout en finesse, au résonnateur, avec quelques harmoniques et des petits sifflements pleins de sensibilité. Un trait d’harmonica pour finir d’enrober les choses et c’est un blues qui nous emmène du côté du Piedmont, des Hills, des environs de Bentonia mais aussi des racines africaines du genre que nous propose ce musicien plein de nuances qui prend le temps d’expliquer ce qu’il ressent entre les morceaux et qui n’hésite pas à rendre hommage à ses modèles parmi lesquels on notera forcément Skip James. Un ultime hommage à Charley Patton entre harmonica, beat box et chant et c’est sous les acclamations de l’assistance que Jantso Jokelin quittera la scène, sans doute satisfait du bon tour qu’il nous aura joué ce soir !

Onzième et dernier groupe de cette première soirée, les Tchèques de Steven's vont se charger de refermer cette demi-finale à huit, avec un chanteur et une chanteuse mais aussi avec une section de cuivres. Après un départ qui n’est pas sans évoquer Status Quo, le band va s’engager dans un blues très fortement teinté de rock mais intelligemment saupoudré de rhythm’n’blues, ce qui lui donne un petit côté original pas désagréable du tout, même si on traverse en milieu de set une sorte de ventre mou dans lequel on se perd un peu. C’est dommage car après plus de cinq heures de musique, il faut vraiment frapper fort pour réussir à s’attirer les faveurs d’une assistance qui commence à être usée et à bout de force. A revoir dans de meilleures conditions !

Le jury a rendu son verdict et les quatre formations que l’on retrouvera samedi lors de la finale sont, par ordre alphabétique de pays, Peter Kern d’Autriche, Jantso Jokelin de Finlande, Alice Armstrong Band du Royaume Uni et Wild Flame de Pologne. Un très beau choix très apprécié d’un public plutôt sage qui ne tardera pas à regagner les différents hôtels de la ville pour prendre un peu de repos en attendant la suite.
Vendredi 4 avril :
On commence cette journée vers 11 heures par une session de Blues in The Schools avec des collégiens qui se montrent intéressés par une histoire du blues proposée par deux musiciens qui leurs présentent les divers instruments utilisés dans le genre avant d’évoquer les créateurs du blues et de remonter petit à petit le temps pour en arriver jusqu’à nos jours. La présentation est vaste et plutôt intéressante, et même si par moments les jeunes relâchent un peu leur attention, c’est pour tout le monde un bon moment d’échange et d’interaction. Il sera temps ensuite de rejoindre le théâtre national croate pour une seconde après-midi de Blues Market toujours aussi conviviale et intéressante.

Le temps d’une pause fraicheur et on démarre directement cette seconde demi-finale avec les Suédois du Anton Hultquist Trio qui ont un léger problème à l’allumage avec un micro éteint, incident vite réparé qui laissera au frontman tout le loisir de partir en force dans un bon gros blues rock qui réveille tout le monde dans l’assistance. Deux titres plus tard, c’est un blues lent et puissant qui s’installe très intelligemment avant que tout reparte en trombe pour un final plein d’énergie qui mettra la salle en mouvement grâce à une véritable volonté de bien faire, et surtout à une grande partie du public acquise à la cause du trio. Le ton est donné, cette seconde soirée devrait, du moins on le souhaite, être brûlante !

Direction la Hongrie maintenant avec le quartet du pianiste Daniel Szebenyi qui attaque son set par un titre qui s’installe quelque part entre rock progressif et jazz rock avant de poursuivre dans un registre un peu hors sujet mais pas désagréable du tout, avec des compositions qui font un peu penser à Foreigner ou même à Bon Jovi, mais avec une petite touche de blues rock en plus. Le style évolue au fil des morceaux et à trop vouloir en montrer, avec moultes vocalises à la clef, le groupe va finir par perdre lentement mais surement l’attention des spectateurs, d’autant que le son, beaucoup trop fort, le handicape quelque peu. Dommage !

Le Portugal était l’hôte de l’édition 2024 et nous propose cette année MaBelle Blues Band, une formation pleine de charisme emmenée par une chanteuse à la voix puissante et riche. Jamais à cours d’idée, le quartet ponctue ses morceaux par divers gimmicks comme un lancer de dés gonflables à la mode Benfica dans le public sur son titre « Rollin’ Dice » et confirme son côté blues avec un titre lent et profond qui laisse des traces sur une assistance charmée par un interprétation sensible et sensuelle. Une dernière montée en puissance avant de rendre les clefs de la scène aux suivants et c’en sera fini d’une prestation plutôt intéressante à entendre et à voir.

On part maintenant vers la Grèce où nous attend Eliana One Woman Band, une artiste engagée qui dénonce à sa manière le tourisme de masse dans son pays en le comparant à une colonie, mais qui le fait avec humour et second degré, et qui plus est avec une voix puissante et haut perchée et avec un jeu plein de subtilité. Sa manière de raconter des histoires personnelles en les accompagnant de slides et de beaux riffs teintés de blues rural est impressionnante de réalisme et c’est un véritable plaisir pour un public qui se prend au jeu d’une artiste complète et séduisante par sa simple présence. C’est sans doute le premier vrai coup de cœur de la soirée pour la plupart des gens, reste désormais à savoir quel sera le verdict du jury …

Le blues bulgare ne manque jamais d’intérêt et cette année c’est Blues Traffic qui va se charger d’essayer de nous le démontrer avec une prestation plus que classique à laquelle il ne manque pas grand-chose pour être parfaite, à part peut-être cette petite étincelle de génie qui transforme un bon groupe en groupe exceptionnel … Le jeu est sensible, le style affirmé et les dialogues entre les guitares tiennent la route, d’autant plus qu’ils sont soutenus par une rythmique bien en place, et plus on avance dans le set, plus la mayonnaise monte et devient consistante pour finir de nous offrir une prestation équilibrée et bien pensée. Chapeau messieurs !

On attendait avec une certaine impatience les Néerlandais de Five Dollar Shake et c’est à dix qu’ils arrivent sur scène, avec trois choristes et une paire de cuivres. Partis bille en tête dans une histoire où le rhythm’n’blues est une raison d’être, les Battaves vont se laisser glisser à leur manière dans une soul qui ne manque pas de nuances et qui parvient petit à petit à embarquer le public dans son sillage. La voix est puissante, parfois un peu trop, mais le groupe s’efforce de trouver son meilleur équilibre à chaque instant et s’il se perd parfois un peu dans ses arrangements, il n’en reste pas moins un bon exemple de ce que le blues contemporain est capable d’offrir à un public qui évolue avec son temps.

La Suisse nous réserve souvent de belles surprises et cette année c’est Mark Slate & Rotosphere qui ont la charge de représenter leur pays avec un bon blues bien solide et bien taillé, porté par une voix chaude et puissante et soutenu par une guitare vertueuse qui, si elle prend parfois le dessus sur les claviers, ne gâche en rien des morceaux pleins de saveur, de sensibilité et de nuances. Une belle version de « I’ll Play The Blues For You » apporte un poil d’intensité en plus et c’est sous les vivas de l’assistance que les représentants helvétiques prendront congé d’une salle qui, ce soir, a craqué pour eux. Le ton de la soirée vient de monter d’un cran et c’est bon signe pour la suite !

De la Suisse à l’Allemagne, in n’y a qu’un pas que nous franchissons allègrement pour retrouver The See See Riders, une formation qui s’était hissée en finale de l’International Blues Challenge à Memphis en janvier dernier et que nous retrouvons ici avec le même plaisir. Le blues rural porté par ce quartet où le violon et la contrebasse se marient à deux guitares est un véritable foisonnement de blues, de swing, d’énergie et de délicatesse qui se propage dans une salle convaincue dès les premières minutes d’une prestation très réussie, une sensation de plénitude et d’aboutissement que ne fera que grossir au fur et à mesure que le temps défilera pour se terminer par une véritable ovation unanime de la part de l’assistance ! Il y a fort à parier que l’on retrouvera les Allemands en finale demain !

C’est au tour de la Roumanie de nous présenter son candidat, Bluemans, un quartet qui démarre avec un titre plutôt funky tiré de son nouvel et unique album pour le moment. Le reste de la prestation est tirée du même tonneau, avec des parties plus purement blues et des envolées de guitares qui ne sont pas sans faire penser à Roy Buchanan. Une fois encore, le niveau général augmente avec le temps et c’est une seconde moitié de set bien plus construite que nous offrirons les Roumains, avec de réelles œillades appuyées à Jeff Beck cette fois. La question reste désormais de savoir si ce sera suffisant pour gagner une place en finale !

On se demandait si la France finirait par arriver en lice à un moment ou à un autre et c’est maintenant à son tour de nous présenter Charb.on, un trio qui peine à s’installer à cause de problèmes de claviers, mais qui finit par avoir du son et qui se lance sans retenue dans un premier morceau d’un blues subtilement teinté de rock pour continuer dans un registre qui se rapproche du heavy blues avec de belles alternances d’harmonies et de dissonances, peut-être un peu trop parfois. Une chose est certaine, le groupe ne fait pas semblant et met tout son talent et toute son énergie dans la balance, et au niveau du jury, il y a fort à parier que le résultat sera tranché entre ceux qui vont adorer et ceux qui vont détester. Dans la salle, ça répond plutôt positivement et c’est dans son océan de saturations que le band nous servira un morceau en Français dans lequel il est question de trains avant de finir en apothéose avec un titre où l’harmonica prendra la place des claviers. Charb.on a créé la surprise ce soir, c’est certain !

Le dernier candidat de cette seconde demi-finale, The Nightcallers, nous arrive du Luxembourg et va nous servir un blues très académique mais plutôt bien joué, le quartet affichant une belle cohésion et des aptitudes musicales certaines, avec une guitare qui ne fait pas d’erreur et un orgue Hammond bien en place. Un peu de swing pour faire monter la pression dans la salle et nous voilà parti pour un set qui ne sort que très peu des sentiers battus mais qui a le mérite d’être proposé avec sincérité et détermination selon des critères bien établis, avec un blues lent et profond en milieu de set et un gros boogie bien gras en final, avec l’organiste à l’harmonica. De quoi assurer une belle fin de soirée en attendant le résultat des votes et l’affiche de la finale de demain.

La délibération n’est pas très longue et la paire de présentateurs nous annoncera bientôt les quatre dernières formations qualifiées pour la finale de samedi, un grand moment de musique où viendront se greffer, toujours par ordre alphabétique de pays, The See See Riders d’Allemagne, Eliana One Woman Band de Grèce, Daniel Szebenyi de Hongrie et enfin Mark Slate & Rotosphere de Suisse. La soirée a, une fois encore, été longue, et il ne nous reste plus qu’à partir recharger les accus avant une troisième journée de Challenge qui s’annonce passionnante !
Samedi 5 avril :
La matinée sera consacrée à l’Assemblée Générale de l’European Blues Union, et après un déjeuner et quelques tours en ville, on retrouve rapidement le Théâtre National Croate pour le ballet des officiels qui précède cette dernière soirée de concerts.

On débute cette soirée de finale avec Jantso Jokelin, le superbe artiste finlandais découvert jeudi soir qui va nous régaler une nouvelle fois de son chant bien en place, de son jeu d’harmonica racé et de l’association parfaite de ses guitares et résonateurs et de son footstomping. Il ne faut pas plus d’un morceau pour que la salle s’embrase et le reste ne sera que du bonus, avec de belles explications entre les compositions et avec une superbe musicalité et des slides d’un rare élégance. Le public a la décence d’écouter de manière quasiment religieuse cet artiste exceptionnel et de ne lancer de grandes salves d’applaudissements qu’à la fin de chaque titre, ce qui colle parfaitement à l’atmosphère générale de ce théâtre plus habitué à la musique classique qu’au blues. Il y a souvent chez Jantso Jokelin un petit côté Eric Bibb qui n’échappera sans doute pas à l’assistance et au jury, quand bien même le jeune homme s’emmêlera un peu dans ses loops en fin de set.

Elle nous a réellement séduit vendredi soir et c’est avec plaisir que l’on retrouve la candidate grecque Eliana One Woman Band, qui commence son set comme elle l’a fait hier, en chambrant un peu les touristes, mais avec énormément d’humour et de second degré. La suite est un peu plus grave avec des chansons qui dénoncent les atteintes à la liberté de la presse et des peuples dans certains pays du Sud de l’Europe, l’avenir plus ou moins incertain des gens de sa génération, la gentrification, la ségrégation et nombre d’autres choses encore. Rayon musique, c’est du velours pour les amateurs de blues roots comme on peut l’entendre dans le Mississippi, avec des slides qui vous déchirent les tripes et une voix qui vous prend directement à la gorge, une artiste posée quelque part à la croisée d’un Cedric Burnside et d’un Ronan One Man Band pour mieux vous situer le personnage !

Le ton monte d’un cran avec Alice Armstrong Band qui vient représenter le Royaume Uni et qui démarre son set à la manière d’un boulet de canon pour mieux mettre l’assistance à sa botte, quand bien même la chanteuse est pieds nus sur scène. Un bon gros slow blues pour finir de bien engager le clou et il ne restera plus qu’à taper régulièrement dessus pour le loger dans une position optimale qui marquera les esprits. La rythmique est régulière, le piano ou l’orgue Hammond et la guitare affichent une belle complémentarité et dès qu’on part faire un tour dans des registres qui rendent hommage à B.B. King, les Britanniques continuent de marquer des points auprès d’un public qui en redemande un peu plus à chaque fois. Plus spontanée et encore plus équilibrée que leur prestation de jeudi soir, la démonstration de talent faite ce soir par Alice Armstrong et son band finira de confirmer que le jury va avoir du mal à départager les finalistes aujourd’hui.

On retrouve maintenant le troisième artiste solo de cette finale avec Peter Kern, un musicien plein d’expérience qui nous arrive d’Autriche et qui nous propose un folk blues plein de saveur, une musique qui part à l’occasion faire un tour du côté de ses idoles comme c’est le cas avec Jimmy Reed. On sent que ce chanteur et guitariste aux faux airs de Stevie Ray Vaughan a des années de métier derrière lui en plus de son talent et qu’il est capable d’en jouer habilement pour faire plier une assistance en sa faveur, les grandes scènes et le nombreux public ne semblant pas l’impressionner, voire même au contraire lui donner un peu plus d’émulation lui permettant d’offrir le meilleur de lui-même, et pourquoi pas un peu plus encore. La salle ne s’y trompe pas et envoie là encore des salves d’applaudissements à chaque fin de morceau, la question reste de savoir si le jury privilégiera la nouveauté ou l’expérience. On le saura bientôt !

La Pologne avait fait forte impression jeudi soir avec Wild Flame et c’est un réel plaisir de retrouver le quintet dans une prestation qui a changé par rapport à celle de la demi-finale, notamment avec un début de set un peu plus funky lancé sur une composition, « Just My Imagination ».. Ce soir, le groupe a tout de suite trouvé ses marques et que ce soit sur l’indispensable slow blues ou sur les morceaux plus rythmés, l’alchimie a été immédiate, avec moins de bucheronnage au niveau de la batterie et plus de cohésion entre la rythmique et les solistes. La chanteuse Adeama Walkowiak s’assiéra un moment sur le devant de la scène pour parler avec le public avant d’envoyer un gros boogie bien joufflu et c’est un show de très belle qualité que nous auront offert les Polonais une fois encore, mais avec une petite étincelle de feeling en prime ce soir !

C’est cette fois le Hongrois Daniel Szebenyi et son groupe qui se présentent face au jury avec un début de set en piano voix qui se transforme rapidement en déluge de sons installé quelque part entre le free jazz et le rock progressif. Le ton se durcit encore un peu pour virer vers le heavy blues, avec des musiciens qui maitrisent parfaitement leur sujet et qui se fendent au passage de quelques breaks plutôt bien sentis. Le passage par le slow blues est très bien maitrisé et quand bien même la prestation n’est pas faite pour séduire toutes les oreilles, surtout les plus sensibles, on sent que la salle adhère bien au projet et qu’elle est capable de lui accorder non seulement un accueil chaleureux, mais aussi une véritable attention. Et quand bien même la place en finale n’avait pas fait l’unanimité dans le public, Daniel Szebenyi a prouvé ce soir qu’il avait sa place parmi les grands d’Europe !

Ils nous avaient fait forte impression lors de leur demi-finale et c’est avec impatience que nous attendions les Suisses de Mark Slate & Rotosphere qui connaissent quelques problèmes à l’allumage avec un orgue Hammond qui se montre récalcitrant sur le premier morceau. Finalement solutionné, le problème n’en restera pas un très longtemps et c’est avec beaucoup d’intelligence que le quintet va dérouler son set avec régularité et précision, porté par un guitariste qui a des années de métier derrière lui et toujours un bel avenir devant. Brillant dans les parties où il déballe toute sa puissance vocale, lumineux dans les passages plus calmes, Mark Slate en impose par sa présence et pas son coffre et contribue à installer la formation helvétique comme une des valeurs sures de la scène blues actuelle. La salle fatigue un peu mais accompagne le groupe jusqu’au bout d’un set sans le moindre temps mort, un preuve supplémentaire de sa grande qualité !

Dernière formation de la soirée, mais non la moindre, les Allemands de The See See Riders vont se charger de refermer cette finale en essayant de plier les choses en leur faveur, et il faut dire qu’avec leur blues rural et plein de nuances, ils ont les moyens de le faire, quand bien même un des micros affiche une fatigue légitime après tant d’heures de travail et refuse de nous laisser entendre le chanteur principal de quartet. Rapidement réparé, le problème ne perturbera pas le band qui va nous transporter dans les années 50 avec des instruments élégants comme le violon, la contrebasse, le résonnateur et la guitare, mais qui se montre aussi capable d’y aller a-capela et sans amplification. Véritables machines à groover, The See See Riders vont une fois encore réussir à bluffer l’assistance avec un set à la fois vintage, coloré et plein de saveur, terminant qui plus est la soirée avec une reprise des Mississippi Sheiks, et c’est avec une véritable impatience que nous attendons désormais d’avoir l’occasion de les retrouver pour un concert beaucoup plus long car ils sont véritablement un de nos gros coups de cœur de l’année !

Le temps de la délibération, l’European Blues Union remettra ses trophées Blues Behind The Scenes à trois personnalités qui œuvrent dans l’ombre des projecteurs pour garder le blues en vie et le rendre encore plus accessible à tous puis nous assisteront à une prestation exceptionnelle d’un jeune pianiste de 20 ans, Jadran Mihelčić, qui nous sortira le grand jeu au chant, au piano et à l’orgue Hammond en proposant un titre écrit lors de sa participation à la Little Steven’s Blues School à Notodden, en Norvège. Un sacré grand moment de musique puisque le jeune homme est également un excellent entertainer que nous aurons le plaisir de retrouver et d’accompagner dans le Mississippi en juin prochain pour le Pinetop Perkins Foundation Workshop à Clarksdale.

L’heure est maintenant aux récompenses et cette treizième édition de l’European Blues Challenge offrira son Prix Spécial Solo/Duo au Finlandais Jantso Jokelin avant de couronner les Anglais du Alice Armstrong Band et d’offrir les deux accessits aux Polonais de Wild Flame et aux Allemands de The See See Riders. Cette grand-messe du blues européen aura été un véritable succès en termes de musique mais aussi d’affluence avec une salle pleine à craquer ce soir et rien que pour ça, il faut saluer le superbe travail réalisé par nos hôtes des Croatian Blues Forces. Rendez-vous en Espagne en 2026 pour la suite …
Fred Delforge – avril 2025

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